" Un bon dessin vaut mieux qu'un long discours "

Trois plans, qui comptent parmi les plus précieux documents des Archives départementales du Cher, ont figuré en bonne place dans l'exposition " Quand les artistes dessinaient les cartes ", qui s'est tenue aux Archives nationales du 26 septembre 2019 au 6 janvier 2020.

Vous vous le rappelez sûrement : la dernière fois que vous avez abîmé la carrosserie de votre  voiture, sur le constat d’accident que vous avez peiné à retrouver dans la boîte à gants, il fallait réaliser un croquis pour retracer les circonstances de l’accident. Cette pratique est très ancienne. Ne dit-on pas qu’un bon dessin vaut mieux qu’un long discours ?

Les Archives départementales du Cher possèdent trois plans qui ont servi de pièces justificatives dans des procès avant 1550.

  • Le plus ancien (G 101 bis) est anonyme et non daté, mais les historiens ont montré qu’il se rattache à un procès qui a opposé, en 1477, l’archevêque de Bourges, Jean Cœur, le fils du Grand Argentier, aux chanoines de la cathédrale, sur la levée des dîmes de Cornusse. Un avocat d’aujourd’hui parlerait de contentieux fiscal : il s’agissait de déterminer précisément les limites géographiques à l’intérieur desquelles l’archevêque pouvait faire valoir ses droits et engranger des redevances.
  • Il est toujours question d’impôt dans le plan de la terre et franchise d’Achères (4 H 481). Le plan commencé en 1528, est conservé sous la forme d’une copie probablement réalisée en 1597, en même temps qu’un mémoire de plusieurs pages qui explique le différend opposant les paroissiens de Quantilly, soutenus par les officiers royaux, à la famille d’Albret, seigneur de Boisbelle. La question à trancher est de savoir si un certain nombre de domaines appartiennent à la seigneurie, qui jouit d’une exemption de gabelle et d’aides.
  • Le troisième plan est une vue cavalière qui représente le cours de la Sauldre dans la paroisse d’Ivoy-le-Pré (4 H 506). Il a été commandé en 1540 par les moines de l’abbaye de Saint Sulpice de Bourges, qui voulaient signaler un détournement illicite de la rivière, préjudiciable à l’entraînement de leurs moulins. Des exemples récents, par exemple à Bigny-Vallenay, ont montré que les « droits d’eau » représentent une source inépuisable de conflits.

Ces trois documents, réalisés à l’aquarelle, sur parchemin, n’éclairent pas seulement le fonctionnement de la justice au XVIe siècle. Ils donnent à voir le paysage : la forêt de Saint-Palais, le château de Cornusse dont subsiste la tour à pont-levis, les moulins sur la Sauldre. Ils présentent aussi d’indéniables qualités esthétiques puisque les commanditaires ont fait appel aux meilleurs artistes de leur temps : Nicolas Rondet et Jean Lécuyer, le célèbre créateur de vitraux, pour le plan d’Achères, ou le peintre Guillaume Augier pour le plan d’Ivoy.

 

 

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