Donation d'un cens de 40 sols sur une maison pour la Sainte-Chapelle de Bourges, 1414 (8 G 1844 [TSC 236]).

Donation d'un cens de 40 sols sur une maison pour la Sainte-Chapelle de Bourges, 1414 (8 G 1844 [TSC 236]).

Original sur parchemin, scellé de cire verte sur lacs de soie verte. 450 x 340 mm. Archives Départementales du Cher, 8 G 1844 [TSC 236].

 

Dossier préparé par Mélissa Barry, sous la direction d'Olivier Guyotjeannin et Olivier Matteoni.

 

1414, juin. — Paris.

Jean, fils de roi de France, duc de Berry et d’Auvergne, etc., augmente la dotation de la Sainte-Chapelle de Bourges en abandonnant à son trésorier et à son chapitre le cens de 40 s. p. que le duc percevait chaque année sur une maison de Bourges, sise à la Porte Tornoise, jadis propriété de feu Perrin Sadon, et dont ils avaient fait l’acquisition.

 

On est ici en présence d’un acte à la réalisation soignée. En témoigne en premier lieu, parmi les caractères externes, la qualité de l’écriture. Le scribe, en conformité avec les usages contemporains, à commencer par ceux de la chancellerie royale, est bien plus parcimonieux en abréviations dans les textes français qu’en latin. Le respect des usages de la chancellerie est aussi manifesté par le refus de couper les mots en fin de ligne, dans le cadre d’une justification homogène, parfois approximative, ce qui à l’occasion oblige le scribe a en abréger rudement certains (voir « ho(n)norabl(ement) » et « p(er)p(et)uelm(en)t », l. 3 et 4).

Malgré le traitement inégal des marges (généreuse à gauche, beaucoup moins large à droite), la mise en page est assez soignée, comme en atteste, entre autres, la hauteur du repli. Surtout, on remarque d’emblée le traitement graphique particulier réservé au nom du duc, la décoration du « h » mais surtout de l’initiale « J » qui, ornée de cadelures et se déployant largement dans la marge de gauche, constitue une preuve visuelle évidente du caractère solennel du document. De la même façon, on peut noter que la longue titulature ducale occupe la totalité de la première ligne, ce qui est peut-être destiné à la mettre en valeur. À ces éléments vient s’ajouter le soin que le scribe met à signaler l’ouverture et la fermeture du discours diplomatique au moyen de deux points, et plus particulièrement, à faire ressortir la scansion du discours au moyen de lettres grossies et allongées : « Jehan », « Savoir », « Si donnons », « Et afin », signalant respectivement le début de la suscription, de la notification, de la clause injonctive et de la corroboration (le procédé est rendu dans l’édition par des petites capitales).

Surtout, la nature du sceau et de son attache, tous deux conservés, constituent la preuve la plus sûre du caractère solennel de l’acte, dans l’esprit des « chartes » royales à valeur perpétuelle. Comme pour celles-ci, il appelle un sceau de cire verte sur lacs de soie (mais verte ici, alors qu’elle est verte et rouge chez le roi). On peut au passage relever la présence d’oculi en forme de losange dessinés par le scribe afin d’indiquer où perforer le support pour passer les lacs au moment du scellement.

Certains des caractères internes de l’acte, soient la suscription isolée suivie d’une notification universelle, posant le commanditaire en majesté, et la corroboration avec mention de perpétuité (« Et afin que ce soit ferme chose et estable a tousjours »), confirment l’appartenance du document au type de la charte. Enfin, son contenu, ainsi que la formule « avons donné, cedé et transporté, donnons, cedons et transportons » (l. 4), l’identifient comme une charte de donation.

Cette charte est également intéressante d’un point de vue historique. En effet, sa rédaction se situe deux ans seulement avant la mort du duc (survenue en 1416). C’est ainsi que, sans surprise, la longue titulature ducale que l’on peut lire ici se retrouve trait pour trait dans le testament de Jean de Berry (Fr. Autrand, Jean de Berry, L’art et le pouvoir, Paris, 2000, p. 325).

Surtout, l’exposé révèle que le duc poursuivit jusqu’à la fin de sa vie « l’augmentacion de la dotacion de nostre Saincte Chapelle de Bourges ». De fait, après l’ouverture officielle du projet en 1392, et malgré le rapide avancement des travaux,la Sainte-Chapellene put être inaugurée qu’en 1405, en raison de la difficile constitution du patrimoine nécessaire à l’entretien des chanoines.

De même, si l’autre motivation invoquée par le duc pour le don (dans les faits, l’abandon) de la redevance (un « cens » très générique) de quarante sous parisis àla Chapellepeut paraître bien traditionnelle (« afin que le service divin y soit mieulx et plus honnorablement fait et celebré »), elle peut être sincère de la part d’un prince alors âgé de soixante-quatorze ans, qui avait exprimé à partir de 1403-1404 sa volonté d’être enseveli dans sa fondation.

La manière dont est présentée la donation nous renseigne sur l’organisation interne dela Sainte-Chapelle, dans la mesure où les bénéficiaires du transport sont désignés comme étant « noz chiers et bien amez les tresorier et chapittre de nostredicte chapelle ». De fait, le collège dela Sainte-Chapellede Bourges, comme celui dela Sainte-Chapellede Paris, formait un chapitre de treize chanoines dont le trésorier, chef de la communauté, un chiffre hautement symbolique pour l’écrin de reliques de la Passion.

Transcription paléographique
Transcription paléographique
  • Transcription paléographique

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’Estampes, de Boulongne et d’Auvergne. Savoir faisons a tous presens et a venir que nous, desirans a n(ost)re povoir l’augmentacion de la dotacion de n(ost)re Saincte Chapelle de Bourges par nous au plaisir de Dieu nagueres fondee, et afin que le service divin y soit mieulx (et) plus ho(n)norabl(ement) fait et celebré, avons donné, cedé (et) transporté, donnons, cedons et transportons, de n(ost)re certaine science et ferme propos, p(er)p(et)uelm(en)t et a tousjours, a noz chiers et b(ie)n amez les tresorier et chapittre de n(ost)redicte chapelle, quarante sols parisis de cens que nous avions et prenions ch(asc)un an sur la maison qui fut Perrin Sadon, assise ala Porte Tornoise, et laquelle lesdiz tresorier (et) chapittre ont naguaires acquise ; et d’iceulx quarante sols par(isis) de cens nous dessaisissons (et) devestissons, et en saisissons (et) vestissons par la tradicion de ces p(rese)ntes l(ett)res lesdiz tresorier et chapitre, et voulons qu’ilz en joÿssent doresenavant perpetuelment (et) a tousjours sans aucun contredit ou empeschement, co(m)me de leur p(ro)pre chose. Si donnons en mandement a noz amez et feaulx gens de noz comptes a Bourges que desdiz quarante sols parisis de cens ch(asc)un an ilz mettent ou facent mettre, reaulment et de fait, lesdiz tresorier et chapitre, ou leur procureur pour eulx, en bonne possession (et) saisine reelle (et) corporelle, et d’icelle les facent joïr (et) user plainement, paisiblement, perpetuelme(n)t et a tousjours, sanz les empeschier ne souffrir estre empeschiez aucunement au contraire. Mandons aussi a n(ost)re receveur de n(ost)re demaine de n(ost)redit païs de Berry, p(rese)nt et a venir, que d’iceulx quarante sols par(isis) de cens ch(asc)un an doresenava(n)t il ne face recepte ne mise en ses comptes. Et afin que ce soit ferme chose et estable a tousjours, nous avons fait mettre n(ost)re seel a ces p(rese)ntes lettres. Donné a Paris, ou mois de juing, l’an de grace mil quatre cens (et) quatorze.

Par mons(eigneur) le duc.

J. Flamel.

Edition
Edition
  • Edition

1414, juin. — Paris.

 

Jean, fils de roi de France, duc de Berry et d’Auvergne, etc., augmente la dotation de la Sainte-Chapelle de Bourges en abandonnant à son trésorier et à son chapitre le cens de 40 s. p. que le duc percevait chaque année sur une maison de Bourges, sise à la Porte Tornoise, jadis propriété de feu Perrin Sadon, et dont ils avaient fait l’acquisition.

 

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’Estampes, de Boulongne et d’Auvergne. Savoir faisons a tous presens et a venir que nous, desirans a nostre povoir l’augmentacion de la dotacion de nostre Saincte Chapelle de Bourges par nous au plaisir de Dieu nagueres fondee, et afin que le service divin y soit mieulx et plus honnorablement fait et celebré, avons donné, cedé et transporté, donnons, cedons et transportons, de nostre certaine science et ferme propos, perpetuelment et a tousjours, a noz chiers et bien amez les tresorier et chapittre de nostredicte chapelle, quarante sols parisis de cens que nous avions et prenions chascun an sur la maison qui fut Perrin Sadon1, assise a la Porte tornoise2, et laquelle lesdiz tresorier et chapittre ont naguaires acquise ; et d’iceulx quarante sols parisis de cens nous dessaisissons et devestissons, et en saisissons et vestissons par la tradicion de ces presentes lettres lesdiz tresorier et chapitre, et voulons qu’ilz en joÿssent doresenavant perpetuelment et a tousjours sanz aucun contredit ou empeschement, comme de leur propre chose. Si donnons en mandement a noz amez et feaulx gens de noz comptes a Bourges que desdiz quarante sols parisis de cens chascun an ilz mettent ou facent mettre, reaulment et de fait, lesdiz tresorier et chapitre, ou leur procureur pour eulx, en bonne possession et saisine reelle et corporelle, et d’icelle les facent joïr et user plainement, paisiblement, perpetuelment et a tousjours, sanz les empeschier ne souffrir estre empeschiez aucunement au contraire. Mandons aussi a nostre receveur de nostre demaine de nostredit païs de Berry, present et a venir, que d’iceulx quarante sols parisis de cens chascun an doresenavant il ne face recepte ne mise en ses comptes. Et afin que ce soit ferme chose et estable a tousjours, nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes lettres. Donné a Paris, ou mois de juing, l’an de grace mil quatre cens et quatorze.

(Sur le repli, à gauche :) Par monseigneur le duc.

(Signé :) J. Flamel3.

 

1. Perrin Sadon est sans doute parent du clerc Jocelin Sadon (Archives Départementales du Cher, 8 G1173 [TSC 198]).

2.La Porte de Tours, porte ouest du rempart gallo-romain de Bourges.

3.  Jean Flamel est recensé comme secrétaire par Lacour de 1413 à 1416, mais aussi comme copiste de livres (en dernier lieu, François Avril, dans les Mélanges Pascale Bourgain, à paraître). Il n’avait aucun lien de parenté avec l’écrivain public Nicolas Flamel, dont la légende s’est emparé.

Parties du discours
Parties du discours
  • Parties du discours

Suscription

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’Estampes, de Boulongne et d’Auvergne (l. 1)

Notification universelle

Savoir faisons a tous presens et a venir que (l. 2)

Exposé

nous, desirans a nostre povoir l’augmentacion de la dotacion de nostre Saincte-Chapelle de Bourges par nous au plaisir de Dieu nagueres fondee, et afin que le service divin y soit mieulx et plus honnorablement fait et celebré (l. 2-4)

Dispositif intégrant une clause de tradition

avons donné, cedé et transporté, donnons, cedons et transportons, de nostre certaine science et ferme propos, perpetuelment et a tousjours, a noz chiers et bien amez les tresorier et chapittre de nostredicte chapelle, quarante sols parisis de cens que nous avions et prenions chascun an sur la maison qui fut Perrin Sadon, assise a la Portetornoise(1), et laquelle lesdiz tresorier et chapittre ont naguaires acquise ; et d’iceulx quarante sols parisis de cens nous dessaisissons et devestissons, et en saisissons et vestissons par la tradicion de ces presentes lettres lesdiz tresorier et chapitre, et voulons qu’ilz en joÿssent doresenavant perpetuelment et a tousjours sans aucun contredit ou empeschement, comme de leur propre chose (l. 4-9)

Clause injonctive n° 1 (Chambre des comptes)

Si donnons en mandement a noz amez et feaulx gens de noz comptes a Bourges que desdiz quarante sols parisis de cens chascun an ilz mettent ou facent mettre, reaulment et de fait, lesdiz tresorier et chapitre, ou leur procureur pour eulx, en bonne possession et saisine reelle et corporelle, et d’icelle les facent joïr et user plainement, paisiblement, perpetuelment et a tousjours, sanz les empeschier ne souffrir estre empeschiez aucunement au contraire (l. 9-13)

Clause injonctive n° 2 (reveceur de Berry)

Mandons aussi a nostre receveur de nostre demaine de nostredit païs de Berry, present et a venir, que d’iceulx quarante sols parisis de cens chascun an doresenavant il ne face recepte ne mise en ses comptes (l. 13-15)

Corroboration perpétuelle et annonce du sceau

Et afin que ce soit ferme chose et estable a tousjours, nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes lettres (l. 15-16)

Date de lieu et de temps

Donné a Paris, ou mois de juing, l’an de grace mil quatre cens et quatorze (l. 16)

Mention de commandement

Par monseigneur le duc (repli)

Signature du secrétaire ducal

J. Flamel (repli)

Mentions dorsales
Mentions dorsales
  • Mentions dorsales

Au dos, dans l’espace central, regeste du XVIe siècle : « Lettres de don de quarente solz t. (sic) de rente faict par feu monsieur le duc Jean premier duc de Berry a sa Saincte Chapelle de Bourges ». À gauche de l’attache, cote du XVe ou XVIe siècle : « XIX ».  À droite de l’attache, cotes des XVIIe et XVIIIe siècles : « XIX, nunc cotte 16 ; première layette des previlleiges ; nunc 1761, layette de la paroisse de Saint-Jean-le-Vieil, olim Saint-Hyppolite » ; plus bas, à hauteur du repli, regeste du XVe ou XVIe siècle : « Lettre de XL s. p. de rente que nostre sire de Berry premier duc prenoit sur la maison Perrin Sadon, assise a  la pourte Tornaise de Bourges ».

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